AUTEURS DE L’ARTICLE
Docteur vétérinaire Maxime GAUDIN – Unité de neurologie
Docteur vétérinaire Lucile GIRAUD – Dip ECVN Unité de neurologie

Myélopathie ischémique chez un boxer. 

Sommaire

  1. Introduction
  2. Cas clinique
  3. Examen clinique
  4. Bibliographie

Introduction

L’embolie fibrocartilagineuse fait partie des myélopathies ischémiques. Elle est causée par l’embolisation et l’infarction d’un vaisseau spinal par du matériel cartilagineux. On retrouve cette atteinte majoritairement chez des chiens de grande taille, d’âge moyen et souvent très actifs. Elle entraine des déficits locomoteurs plus ou moins sévères, souvent latéralisés d’un côté. L’IRM est l’examen de choix afin de mettre en évidence les lésions médullaires et écarter les autres causes. Aucun traitement spécifique n’existe à ce jour mais la physiothérapie joue un rôle clé pour favoriser une bonne récupération. Malgré des risques de séquelles, le pronostic de récupération est favorable. 

Cet article décrit la présentation, le diagnostic et la prise en charge d’un cas d’embolie fibrocartilagineuse

Cas clinique

Anamnèse

Un boxer mâle entier âgé de 4 ans est présenté pour une faiblesse postérieure d’apparition aigue. 

C’est un chien habituellement très actif qui n’a pas d’antécédent médical.
Il y a une semaine, il a présenté une paraparésie d’apparition aiguë, une paraparésie ambulatoire plus sévère au membre pelvien gauche. Malgré quelques gémissements pour tenter de se déplacer, il ne semble pas particulièrement douloureux. 

Suite à une suspicion de hernie discale, un traitement anti-inflammatoire non stéroïdien (méloxicam) ainsi qu’un traitement analgésique (buprénorphine puis gabapentine) sont mis en place sans amélioration.
Un scanner du rachis est réalisé et ne montre pas d’anomalie permettant d’expliquer les signes cliniques. Le traitement anti-inflammatoire est alors changé pour un anti-inflammatoire stéroïdien (prednisolone). 

Depuis quelques jours, sa locomotion s’améliore progressivement. 

Examen clinique

L’examen général ne révèle pas d’anomalie. L’animal est vigilant, normotherme et normohydraté ; les muqueuses sont roses et bien hydratées. L’auscultation cardio-pulmonaire est normale. Les pouls artériels sont pulsés, symétriques, réguliers et synchrones avec les battements cardiaques. Des plaies d’abrasion cutanée sont visualisées sur la face dorsale du tarse gauche. 

L’examen neurologique confirme une paraparésie ambulatoire, plus sévère au membre pelvien gauche. Les réactions posturales sont retardées aux membres pelviens, en particulier du côté gauche tandis qu’elles sont normales aux membres thoraciques. Les réflexes médullaires, retrait et rotulien, sont normaux voire augmentés aux quatre membres. L’évaluation des nerfs crâniens est normale. A la palpation ou à la mobilisation, aucun signe de douleur n’est détecté. 

Questions

  1. Où neurolocalisez-vous la lésion ?
  2. Quel est votre diagnostic différentiel ?
  3. Quel(s) examen(s) complémentaire(s) recommanderiez-vous ?
  4. Comment interprétez-vous les résultats ?
  5. Quelle prise en charge proposez-vous ?
  6. Quel est le pronostic ?

1. Où neurolocalisez-vous la lésion ?

Les déficits proprioceptifs aux membres pelviens associés à des réflexes de retrait et rotuliens normaux sont en faveur d’une myélopathie de type motoneurone central (MNC), soit une lésion thoraco-lombaire (segment médullaire T3-L3).

2. Quel est votre diagnostic différentiel ?

Le tableau clinique de paraparésie asymétrique aigue est prioritairement compatible avec une myélopathie ischémique (embolie fibrocartilagineuse ou hernie discale à haute vélocité faiblement compressive) ou une origine traumatique (hernie discale extrusive, fracture, subluxation ou contusion médullaire). L’absence de douleur à l’examen clinique est plutôt en faveur d’une origine vasculaire ischémique.
Un processus tumoral ou inflammatoire (myélite) apparait moins probable. Leur durée d’évolution étant souvent plus lente.

3. Quel(s) examen(s) complémentaire(s) recommanderiez-vous ?

Tandis que le scanner du rachis est recommandé lors d’une suspicion de hernie discale chez les races chondrodystrophiques ou lors de suspicion de fracture vertébrale, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) est préférable pour une suspicion d’une myélopathie vasculaire.

Les images IRM ont permis de mettre en évidence une lésion intramédullaire longitudinale mal délimitée s’étendant en regard du corps vertébral de T13. Cette lésion asymétrique, latéralisée à gauche, est hyperintense en T2W et T2 STIR, isointense en T1W et ne réhausse pas après administration du produit de contraste. La lésion semble affecter la substance blanche et la substance grise et occupe environ 50% de la surface de la moelle épinière en coupe transversale (PHOTOS 1 à 5). On note également un léger gonflement de la moelle épinière en regard de la lésion caractérisée par une discrète atténuation circonférentielle de l’espace sous-arachnoïdien. Il n’y a pas de compression médullaire visualisée. Une spondylarthrose thoracolombaire est notée.

4. Comment interprétez-vous les résultats ?

Le signalement de l’animal, le tableau clinique, ainsi que les images IRM nous permettent de diagnostiquer une embolie fibrocartilagineuse.

Ce syndrome est le résultat d’une embolisation de la vascularisation de la moelle épinière par du matériel fibrocartilagineux. On suspecte que ce matériel provienne du noyau pulpeux du disque intervertébral adjacent bien que cela n’ait pu être démontré. La perte de la vascularisation de la moelle entraine une ischémie et une nécrose spinale, plus sévère du côté du vaisseau sanguin concerné.

La physiopathologie permet d’expliquer les signes cliniques de parésie ou paraplégie aigue, non progressive, souvent asymétrique et non douloureuse.

Les embolies fibrocartilagineuses sont plus fréquemment rencontrées chez les chiens de grande race, jeunes et dynamiques bien que certaines petites races telles que les Schnauzers miniatures et les yorkshires puissent aussi être affectés.

La localisation thoraco-lombaire (T3-L3) est la plus fréquente pour cette affection mais n’importe quel segment médullaire peut être atteint.

Le diagnostic définitif nécessite un examen histopathologique post-mortem.

5. Quelle prise en charge proposez-vous ?

Il n’existe pas de traitement médical spécifique et il n’y a pas d’indication chirurgicale pour les myélopathies ischémiques.

La prise en charge repose essentiellement sur des séances de physiothérapie à débuter le plus précocement possible. L’objectif de la physiothérapie est de stimuler le retour d’une conduction nerveuse et de réduire le risque de complications (escarres, amyotrophie, ankylose…)

6.Quel est le pronostic ?

Le pronostic est en général favorable. La récupération d’une démarche autonome est observée dans environ 90% des cas dans les semaines suivant l’incident.

En revanche, il est très fréquent que de légers déficits moteurs persistent ; et une incontinence urinaire ou fécale est possible pour une minorité de cas.

Certains facteurs pronostiques négatifs ont été identifiés, à savoir :

  • l’absence de nociception, qui réduit les chances de récupération à moins de 40%
  • la localisation de la lésion au niveau d’une intumescence (C6-T2 ou L4-S3)
  • la longueur de la lésion (si celle-ci dépasse 2 fois la longueur du corps vertébral de C6 ou L2) et son diamètre (plus de 67% la surface transversale de la moelle épinière)

En l’absence totale d’amélioration après 14 jours, le pronostic de récupération devient sombre.

Bibliographie :

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