Assistante médecine interne

AUTEURS
Docteur vétérinaire Morgane MARTIN – Assistante (2022/2023) – Unité de médecine interne
Docteur vétérinaire Victor CAUDAL – Dip. ACVIM (SAIM) – Unité de médecine interne

Présentation du cas 

Brooklyn, chien Pomsky de 1 an et demi est présenté en consultation pour des éternuements et un jetage nasal transparent bilatéral apparu de façon aigue il y a un mois. Les signes ont persisté en dépit d’un traitement antibiotique (amoxicilline / acide clavulanique), et le jetage est devenu muco-purulent et plus marqué à droite. Brooklyn est plus abattu mais garde un bon état général ainsi que son appétit.
Aucun antécédent marquant hormis une morsure sous l’œil datant d’il y a 6 semaines, ayant rétrocédé sous antibiotiques.

1. Quel est votre diagnostic différentiel pour ce cas de jetage nasal ?

L‘apparition aigue, la persistance en dépit des antibiotiques et le jeune âge de l’animal sont fortement en faveur d’un corps étranger nasal ou naso-pharyngé. Une maladie congénitale reste possible car elles ne se déclarent pas toutes dans les 6 premiers mois de vie (fente palatine, dyskinésie ciliaire, sténose nasopharyngée, atrésie choanale). Une cause inflammatoire ne peut être exclue (rhinite idiopathique lymphoplasmocytaire, rhinite allergique). Une cause traumatique, tumorale ou liée à un abcès dentaire semblent très peu probable dans ce cas. Une aspergillose sino nasale semble également très peu probable, au vu du jeune âge et de la race non prédisposée. 

Parmi les causes infectieuses, on retrouve chez le chien le plus souvent les bactéries Pasteurella multocida et Bordetella bronchiseptica, qui restent souvent des infections secondaires à une cause sous-jacente. 

Brooklyn, chien Pomsky de 1 an et demi est présenté en consultation pour des éternuements et un jetage nasal transparent bilatéral apparu de façon aigue il y a un mois. Les signes ont persisté en dépit d’un traitement antibiotique (amoxicilline / acide clavulanique), et le jetage est devenu muco-purulent et plus marqué à droite. Brooklyn est plus abattu mais garde un bon état général ainsi que son appétit.
Aucun antécédent marquant hormis une morsure sous l’œil datant d’il y a 6 semaines, ayant rétrocédé sous antibiotiques.

À l’aide des données anamnestico-cliniques, quelle est la démarche à suivre ?

Le scanner des cavités nasales couplé à la rhinoscopie sont les examens de choix face à un jetage nasal. Il est idéal d’avoir l’examen d’imagerie avant de s’aventurer vers la rhinoscopie pour éviter tout saignement qui affecterait la visualisation au scanner. Dans le cas de forte suspicion de corps étranger, il est concevable de passer directement à la rhinoscopie, mais la recherche d’un corps étranger nasal peut être difficile à cause de la petite taille des cavités nasales, et de l’anatomie des volutes nasales. Un scanner, examen non invasif, reste donc très utile même dans le cas d’un corps étranger.

Le scanner de Brooklyn montre des signes de rhinite érosive unilatérale droite associée à une adénopathie mandibulaire droite marquée (1.5 cm) compatible avec une adénite réactionnelle. Un petit corps étranger dans la cavité nasale droite est également suspecté au vu de l’image rectiligne hypoatténuante.

Une adénopathie rétropharyngée médiale plus discrète de nature réactionnelle est également visualisée. La destruction des cornets nasaux est plus sévère qu’habituellement observée lors de corps étranger, ce qui doit amener une suspicion de complication par une maladie fongique.

Figure 1: cavités nasales mettant en évidence des signes de rhinite érosive à droite

Figure 2 : adénopathie mandibulaire droite, probablement réactionnelle

Figure 3 : suspicion de corps étranger

A la rhinoscopie, on note une muqueuse nasale érythémateuse bilatérale. Dans la cavité nasale droite, les cornets nasaux sont sévèrement effacés, et du matériel jaunâtre friable est présent en quantité importante, fortement évocateur de plaque aspergillaire, mais pouvant aussi correspondre à du matériel nécrotique. Un corps étranger de type végétal est trouvé dans le dernier tiers de la narine droite. Ce dernier est retiré en le repoussant dans le nasopharynx puis le larynx, puis à l’aide d’une pince à épillet en passant par la bouche.          

Figure 4 : Matériel d’aspect nécrotique dans la cavité nasale droite

Figure 5 : Corps étranger nasal

Le matériel jaunâtre a été retiré via l’endoscope (débridement) et de multiples rinçages ont été réalisé à l’aide de sérum physiologique. Une analyse cytologique du matériel retiré ne montre pas de figures d’hyphes de type aspergillaire.

L’aspergillose affecte habituellement les chiens dolichocéphales adultes et touche presque toujours le sinus frontal (1). Le cas de Brooklyn est donc atypique pour plusieurs raisons. L’atteinte uniquement nasale chez ce jeune chien de race non prédisposée est probablement due à la présence d’un corps étranger favorisant l’infection. Il est donc toujours important de bien inspecter les cavités nasales même lors de corps étranger, et de savoir reconnaitre l’aspect de plaques aspergillaires. Une cytologie sur place peut permettre de rapidement confirmer une suspicion endoscopique, bien que la sensibilité ne soit pas parfaite comme démontré ici. En effet, une cytologie per-endoscopique des lésions montre une sensibilité d’environ 93% dans le diagnostic d’une Aspergillose (2).

3. Quelle est votre approche thérapeutique immédiate ?

Le traitement des affections antifongique repose en premier lieu sur un traitement local (3). Le débridement des plaques aspergillaires est crucial. Il est suivi de l’application d’antifongiques topiques, dont le temps de contact est très important. La balnéation à l’aide d’une solution antifongique sous anesthésie avec rotation de la tête pour une pénétration optimale est longtemps restée le traitement de choix. Un peu plus récemment, l’application de crème s’est développée, permettant une persistance plus longue dans les cavités nasales. D’abord utilisée en complément de la balnéation, la crème est désormais aussi utilisée seule. Le taux de succès varie en fonction des études, mais plusieurs traitements sont fréquemment requis. Le traitement oral est également possible mais son taux de succès faible, son cout élevé et la durée de traitement nécessaire fait qu’il est habituellement réservé aux patients présentant une contre-indication au traitement local, comme une perforation de la lame criblée.

Dans le cas de Brooklyn, la présence de lésions très fortement évocatrices de plaques aspergillaires et les lésions fortement érosives ont justifié l’application de crème antifongique malgré l’absence de diagnostic définitif. Le diagnostic a été confirmé par la suite via l’histopathologie, mettant en évidence des hyphes fongiques intra lésionnels, confirmant une Aspergillose nasale.

4. Quel est votre pronostic ?

Le taux de guérison après un traitement varie grandement selon les études, de 2 à 88%. Le taux de guérison final est de 90 à 100%, certains patients nécessitant jusqu’à 4 ou 5 traitements (3–9).

Au long terme, on considère que ces patients sont prédisposés aux rhinites chroniques, au vu de la persistance de destruction des cavités nasales, mais cela n’a pas été documenté pour le moment. Il n’y a pas de soins à réaliser par le propriétaire à la maison, bien qu’il soit courant qu’un traitement anti-inflammatoire soit mise en place quelques jours après l’endoscopie

(3). Une antibiothérapie n’est mise en place que lors de forte suspicion d’infection bactérienne secondaire.

Au contrôle 2 mois après le premier traitement ; le patient était cliniquement bien et ne présentait plus de jetage nasal.

Photos prises 2 mois après le premier traitement, mettant en évidence une persistance de la lyse des cornets nasaux droits, mais pas de signes de récidive de l’infection fongique.

Bibliographie :  

  • M. Sharman, A. Paul, D. Davies, B. MacKay, G. Swinney, V. Barrs, A. Arteaga, I. D. Robertson CM. Multi-centre assessment of mycotic rhinosinusitis in dogs: a retrospective study of initial treatment success (1998 to 2008). J Small Anim Pract. 2010;
  • D. De Lorenzi, U. Bonfanti, C. Masserdotti, M. Caldin TF. Diagnosis of canine nasal aspergillosis by cytological examination: a comparison of four different collection techniques. J Small Anim Pract. 2006;
  • Ballber C, Hill TL, Bommer NX. Minimally invasive treatment of sino-nasal aspergillosis in dogs. J Vet Intern Med. 2018;(July):2069–73.
  • Hazuchova K, Neiger R, Stengel C. Topical treatment of mycotic rhinitis-rhinosinusitis in dogs with meticulous debridement and 1% clotrimazole cream: 64 cases (2007–2014). J Am Vet Med Assoc [Internet]. 2017;250(3):309–15. Available from: http://avmajournals.avma.org/doi/10.2460/javma.250.3.309
  • Belda B, Petrovitch N, Mathews KG. Sinonasal aspergillosis: Outcome after topical treatment in dogs with cribriform plate lysis. J Vet Intern Med. 2018;32(4):1353–8.
  • Saunders JH, Duchateau L, Störk C, Bree H Van. Use of computed tomography to predict the outcome of a noninvasive intranasal infusion in dogs with nasal aspergillosis. Can Vet J. 2003;44:305–11.
  • Zonderland J, Störk CK, Vet M, Saunders JH, Hamaide AJ, Balligand MH, et al. Intranasal infusion of enilconazole for treatment of sinonasal aspergillosis in dogs. J Am Vet Med Assoc. 2002;221(10):1421–5.
  • Vangrinsven E, Girod M, Goossens D, Desquilbet L, Clercx C, Billen F. Comparison of two minimally invasive enilconazole perendoscopic infusion protocols for the treatment of canine sinonasal aspergillosis. J Small Anim Pract. 2018;59(12):777–82.
  • Billen F, Guieu LV, Bemaerts F, Mercier E, Lavoué R, Tuai C, et al. Efficacy of intrasinusal administration of bifonazole cream alone or in combination with enilconazole irrigation in canine sino-nasal aspergillosis: 17 cases. Can Vet J. 2010;51(2):164–8.