Vétérinaire chirurgie

AUTEUR DE L’ARTICLE
Docteur vétérinaire Alexis COQUET – Assistant de chirurgie
Docteur vétérinaire Mathieu TARONI – dpi. ECVS

L’utilisation et la gestion des antibiotiques en chirurgie est une pratique en perpétuelle évolution et qui nécessite une réévaluation régulière afin d’adapter les protocoles et de limiter les antibiorésistances.

L’utilisation des antibiotiques peut se distinguer en 2 parties, la prophylaxie et la thérapie post opératoire. Le choix est dépendant en premier lieu du type d’interventions chirurgicales et de son caractère infectieux.
Les interventions chirurgicales sont classées en 4 catégories.
Les interventions dites « propres », qui concernent les sites stériles, non traumatiques et où aucun viscère creux n’a été ouvert. Dans ces cas-ci l’antibioprophylaxie n’est pas nécessaire,
SAUF pour les interventions qui durent plus de 90 min, si du matériel non résorbable a été utilisé ou pour les patients jugés à risque (ASA 3 à 5, cf tableau).

Pour rappel, la classification ASA (American Society of Anesthesiologists) comprend 6 catégories :

Les interventions dites « propres-contaminées » concernent les interventions sur site stérile, avec incision contrôlée de viscères, sans signe d’infection ou d’inflammation. L’antibioprophylaxie est recommandée.

Les interventions dites « contaminées » concernent les plaies traumatiques récentes avec présence d’inflammation, ou les incisions de viscères inflammés ou infectés.
Il est recommandé dans ces cas-ci de mettre en place une antibioprophylaxie accompagnée d’un traitement antibiotique post-opératoire.

Les interventions dites «sales » concernent les sites infectés avec présence de tissus dévitalisés, d’écoulements purulents, ou les interventions sur viscères perforés, nécrosés ou contaminés par des matières fécales. L’antibioprophylaxie est ici inutile, mais une antibiothérapie ciblée est nécessaire.

L’antibioprophylaxie a pour but de limiter les contaminations du site opératoire mais elle ne doit jamais remplacer une asepsie stricte et de bonnes pratiques chirurgicales.
Elle doit être également raisonnée et adapter à chaque intervention et chaque animal.
Il est conseillé de réaliser une injection 60 minutes avant la première incision et de répéter une dose intraveineuse toutes les 2 demi-vies pour les antibiotiques temps dépendants.

Quels sont les antibiotiques recommandés ?
1- Céfalexine (Rilexine®)- 20-30mg/kg – demi-vie d’environ 50min
2- Céfazoline (Cefovet® ; Cefazolin®)- 22 mg/kg – demi-vie d’environ 47min
3- Amoxicilline-Acide clavulanique (Augmentin®)- 12,5-20 mg/kg – demi-vie d’environ 1h chez le chien, 1-2h chez le chat
4- Amoxicilline (Clamoxyl®)- 15-30 mg/kg – demi-vie d’environ 1h

Protocole d’antibioprophylaxie utilisé à Onlyvet :

– Utilisation de pénicillines à large spectre (Ampicilline Sulbactam (Unacim®)) à 20mg/kg. L’Unacim® dispose d’un temps de demi-vie de 48min.
– Injection par voie intraveineuse, 30min à 1h avant l’incision chirurgicale.
– Nouvelle injection toutes les 2 demi-vies (toutes les 1h30 de temps opératoire)
– Adaptation du traitement post opératoire selon la nécessité/besoins/risques/l’intervention

Chirurgie orthopédique :

L’antibioprophylaxie est recommandée pour toutes les chirurgies ostéo-articulaires qui durent plus de 90 min et qui utilisent des implants ou du matériel non résorbable.
En chirurgie ostéo-articulaire humaine, il a été démontré que l’antibioprophylaxie permet de faire passer le taux d’infection d’une fréquence d’environ 6% à 2% (UÇKAY et al.,2013).

L’antibioprophylaxie se justifie d’autant plus du fait des conséquences néfastes d’une infection du site opératoire qui entrainerait un rejet des implants, un défaut de cicatrisation, le développement d’un biofilm voire une ostéomyélite.

En ce qui concerne les arthroscopies, il n’existe aucun consensus. A Onlyvet nous préférons utiliser une antibioprophylaxie avec une dose unique d’Unacim® à 20mg/kg, 30min à 1h avant le début de l’intervention.

Les antibiotiques post-opératoires :

Les études sont controversées mais tendent de plus en plus à en limiter l’usage, notamment pour les procédures propres et de courtes durées.
L’antibioprophylaxie sans traitement antibiotique post opératoire est considérée comme suffisante pour maintenir un taux d’infection du site opératoire dans les limites acceptables pour les interventions orthopédiques propres ou neurochirurgicales.
Cependant pour certaines interventions, comme la TPLO il est recommandé d’utiliser une antibiothérapie post-opératoire car il a été montré que les risques et les complications liées à une infection sont plus importants et qu’une antibiothérapie post-opératoire présente un réel intérêt (FREY et al., 2010).

L’utilisation d’une antibiothérapie dite de « couverture » est une pratique à bannir, c’est à la fois inefficace contre les infections du site opératoire et surtout cela favorise l’antibiorésistance.

Cas particuliers :

La gestion des fractures ouvertes (cf. la newsletter sur la gestion des fractures ouvertes)
Le plus important dans de la gestion des fractures ouvertes est la prise en charge initiale de la plaie ; à savoir le nettoyage, la désinfection et si besoin un parage chirurgical.
Une antibiothérapie à large spectre doit être débutée le plus rapidement possible.

La gestion des arthrites septiques et/ou des ostéomyélites consiste dans un premier temps en un nettoyage du site infectieux ou un rinçage articulaire.
Le matériel d’ostéosynthèse doit être retiré s’il y a lieu et les fractures doivent être stabilisées.
Avant de mettre en place une antibiothérapie, un prélèvement pour analyse bactériologique doit être impérativement effectué.
Par la suite une antibiothérapie à spectre large est instauré pour 4 semaines minimum et réadapter au besoin selon les résultats de l’antibiogramme.
Dans certains cas des antibiotiques par voie locale (comme la gentamycine notamment) peuvent être utilisés, ils permettent d’obtenir une forte concentration localement et ainsi de limiter leur toxicité générale.

Références :

-AFVAC – Fiches de recommandations pour un bon usage des antibiotiques ; guides des bonnes pratiques- 2022

-DARLES E., Antibioprophylaxie en chirurgie vétérinaire : bilan sur les données actuelles. Thèse d’exercice, Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse – ENVT, 2012, 108 p.

-FREY TN, HOELZLER MG, SCAVELLI TD, et al: Risk factors for surgical site infection-inflammation in dogs undergoing surgery for rupture of the cranial cruciate ligament: 902 cases (2005-2006). J Am Vet Med Assoc 236(1):88–94, 2010.

-JESSEN L.R., et al., Antibiotic Use Guidelines for Companion Animal Practice (2nd ed.). The Danish Small Animal Veterinary Association, SvHKS, 2019.

-JOHNSTON SA., TOBIAS K., Veterinary Surgery Small animal, 2nd edition, Saunders Co, St Louis, 2017.

-UÇKAY I., et al., Prevention of surgical site infections in orthopaedic surgery and bone trauma : state-of- the-art update. J Hosp Infect. 2013 ; 84(1) : 5-12.

-VÄLKKI, K.J., THOMSON, K.H., GRÖNTHAL, T.S.C. et al. Antimicrobial prophylaxis is considered sufficient to preserve an acceptable surgical site infection rate in clean orthopaedic and neurosurgeries in dogs. Acta Vet Scand 62, 53 (2020).