Dr Vet. Ferrand

AUTEUR DE L’ARTICLE
Docteur vétérinaire François-Xavier FERRAND, Dip. ECVS, EBVS® unité de chirurgie.

 

Introduction

Les urolithiases représentent une cause fréquente dobstruction urétrale chez le chien mâle. La prise en charge doit être rapide car une obstruction complète des voies urinaires basses peut conduire à une insuffisance rénale aiguë, voire au décès du patient en 24 à 48 heures. Le diagnostic est basé sur la radiographie et/ou l’échographie des voies urinaires et permet, selon la taille et le nombre de calculs présents, dorienter le choix thérapeutique. Lorsque le traitement médical ou le retrait des calculs sous endoscopie ne sont pas envisageables, un traitement chirurgical est à privilégier.

La cystoscopie par mini laparotomie ou par laparoscopie assistée représentent des alternatives à la cystotomie traditionnellement employée [1,2]. Cette dernière possède de nombreux inconvénients tels quun traumatisme tissulaire important et des risques de contamination de la cavité péritonéale par de lurine. De plus, il a été montré que le retrait de calculs urinaires par cystotomie échoue dans 20 à 42% des cas, dans le sens où le retrait des calculs nest pas complet [3].

Méthode

Les calculs urétraux doivent au préalable être repoussés dans la vessie. Dans un grand nombre de cas le cathétérisme de l’urètre jusqu’à la vessie est impossible, la méthode d’urohydropulsion rétrograde doit donc être réalisée, sous anesthésie générale. Ceci permet de lever l’obstacle urétral.

L’animal est placé en salle de radiographie. Un premier cliché radiographique abdominal caudal de profil est réalisé afin de dénombrer et visualiser la position initiale des urolithes (Figure 1a). Une première personne introduit son doigt dans le rectum du chien et effectue une compression de l’urètre pelvien en appuyant contre le plancher du bassin. Une seconde personne insère une sonde urinaire (le plus gros diamètre possible) par le pénis jusqu’à ce qu’elle se bloque sur le calcul urétral. Du sérum physiologique est alors injecté dans la sonde urinaire en quantité suffisante pour dilater au maximum l’urètre. L’extrémité du pénis est pincée afin de maintenir la sonde en place et éviter les fuites de sérum physiologique. Les calculs sont ainsi mis en suspension dans l’urètre dilaté entre l’extrémité pincée du pénis et l’urètre pelvien comprimé au doigt. La personne effectuant le toucher rectal relâche ensuite subitement la compression exercée et les urolithes sont emportés vers la vessie dans le flux de sérum physiologique. Une nouvelle radiographie abdominale caudale de profil est réalisée afin de constater la migration des calculs vers la vessie. La procédure est ensuite répétée plusieurs fois jusqu’à ce que tous les calculs urétraux se retrouvent dans la vessie (Figure 1b). L’obstacle urétral est ainsi levé et la sonde urinaire est maintenue en place jusqu’à la chirurgie.

figure 1a-radiographie abdominale caudale de profil montrant la position initiale des calculs.

Figure 1a

figure 1b - radiographie après urohydropulsion rétrograde, montrant les calculs dans la vessie.

Figure 1b

Lanimal est placé en décubitus dorsal. Une incision cutanée de 2 à 3 cm est réalisée juste crânialement au fourreau (figure 2a). La paroi abdominale est ensuite incisée de la même manière. Un écarteur de Gelpi permet alors d’écarter et de soulever les bords de le paroi abdominale (figure 2b). Le vidéoscope rigide de 18 cm, à vision oblique de 30°, et de diamètre de 2,7mm (Karl Storz – Endoskope) est introduit dans la cavité abdominale (figure 2c). Le pôle crânial de la vessie est repéré. A laide dune pince, la vessie est partiellement extériorisée (figure 2d) puis isolée de la cavité abdominale par des compresses à laparotomie. Deux fils de traction permettent de tendre la paroi ventrale de la vessie dans sa longueur. Une incision de 5mm est réalisée sur le pôle crânial (figure 2e). Le cystoscope, relié à un système dirrigation, est ensuite introduit dans la vessie (figure 2f). Un système daspiration adjacent à la vessie permet l’évacuation des fluides excédentaires. Les calculs vésicaux sont repérés (figure 2g) puis retirés un à un à laide dune pince (figures 2i).  L’urètre proximal est exploré jusqu’en région périnéale et les calculs résiduels sont identifiés et repoussés dans la vessie pour être extraits (figure 2j). La paroi vésicale est ensuite suturée par un surjet simple (PDS déc. 1,5), ainsi que la paroi abdominale et la peau est suturée à l’aide d’un petit surjet intradermique (figure 3). La sonde urinaire est retirée.

Soins post-opératoires

Quelque soit la technique chirurgicale utilisée, il est indispensable de vérifier le retrait complet des calculs par des méthodes d’imagerie médicale (radiographie ou échographie) et de mettre en place un traitement préventif pour limiter les risques de récidive [2,3,4] comme une alimentation spécifique, ainsi qu’un traitement antibiotique si besoin basé sur les résultats de l’examen cytobactériologique urinaire.

Si l’état général du patient est bon et que les paramètres rénaux sont dans les normes avant l’intervention, le patient peut être restitué à ses propriétaires le soir même, sans pansement, sans collerette et sans point à retirer.

Le suivi à plus long terme dépend de la nature des calculs retirés.

Discussion

Le retrait des calculs urétraux et vésicaux ne peut généralement pas être réalisé par urétroscopie et cystoscopie rétrograde chez le mâle. Deux facteurs limitant sont en effet présents ici : la taille des calculs trop importante, et l’anatomie du patient avec un urètre de faible diamètre, la présence de l’os pénien et la courbure pénienne qui constitue un obstacle au passage du vidéoscope. L’endoscopie des voies urinaires basses est cependant une méthode rapide et non invasive qui peut être employée lorsque les calculs sont suffisamment petits pour être extraits. Cette technique offre un intérêt diagnostique de part la visualisation des calculs (même de très petite taille) et leur comptage, et un intérêt thérapeutique dans la possibilité de retirer l’ensemble des calculs lorsque ceux-ci sont suffisamment petits par rapport au diamètre de l’urètre. Les fibroscopes flexibles de 1,9 à 2,8mm sont généralement employés. Si les critères d’utilisation de l’endoscopie ne sont pas réunis, le recours à la cystotomie ou à la cystoscopie par laparoscopie assistée devient indispensable. [1]

La cystoscopie ante pubienne après mini laparotomie est inspirée de la cystoscopie par laparoscopie assistée déjà décrite [1,2]. La coelioscopie n’est pas utilisée ici pour repérer la vessie. Seule une incision cutanée est réalisée en avant du fourreau et sur la ligne blanche, contrairement à la technique décrite par Rawlings [2] où une incision paramédiane est pratiquée chez le mâle, ce qui est plus délabrant pour la paroi abdominale. Avec la cystoscopie per-cutanée les calculs de toute taille peuvent être extrait sans difficulté car la taille des incisions cutanée et vésicale est adaptable à la taille des calculs. En revanche les calculs de grande taille ne peuvent être retirés sans élargir la plaie de mini cystotomie dans le cas de la cystoscopie par laparoscopie assistée. La technique décrite ici offre donc un gain de temps et de matériel à utiliser. En revanche, l’exploration de l’ensemble des organes de la cavité abdominale n’est pas réalisable.

La cystotomie mini-invasive vidéo-assistée offre de nombreux avantages par rapport la cystotomie : c’est une méthode peu invasive qui limite les traumatismes tissulaires, les risques de contamination de la cavité péritonéale sont grandement diminués, le cystoscope a un effet grossissant et pourvue d’une lumière intense offrant une meilleure exploration de la vessie et l’urètre proximal (calculs de petite taille, abouchement des uretères, masses vésicales). Le système d’irrigation/aspiration permet l’évacuation des calculs de plus petite taille [2].

À retenir

  • Le retrait des calculs par urétroscopie et cystoscopie antérograde est difficilement réalisable chez le chien mâle.
  • La cystotomie ne permet pas le retrait de la totalité des calculs dans 20 à 42% des cas.
  • Le retrait de calculs urinaires sous cystoscopie percutanée est une technique simple et minimalement invasive.
  • La cystoscopie permet une exploration optimale de la lumière vésicale et de l’urètre proximal.
  • La cystoscopie par mini laparotomie offre un gain de temps et de matériel utilisé par rapport à la cystoscopie par laparoscopie assistée.

Bibliographie

  1. Libermann SV, Doran IC, Bille CR et coll. Extraction of urethral calculi by transabdominal cystoscopy and urethroscopy in nine dogs. J Small Anim Pract. 2011;52(4):190-194.
  2. Rawlings CA, Mahaffey MB, Barsanti JA et coll. Use of laparoscopic-assisted cystoscopy for removal of urinary calculi in dogs. J Am Vet Med Assoc. 2003;222(6):759-751.
  3. 3. Grant DC, Harper TA, Werre SW. Frequency of incomplete urolith removal, complications, and diagnostic imaging following cystotomy for removal of uroliths from the lower urinary tract in dogs : 128 cases (1994-2006). J Am Vet Med Assoc. 2010;236(7):763-766.
  4. Langston C, Gisselman K, Palma D et coll. Methods of urolith removal. Compend contin Educ Pract Vet. 2010;32(6):E1-E8.
  5. Rawlings CA. Endoscopic removal of urinary calculi. Compend contin Educ Pract Vet. 2009;31(10):476-484.

Résumé

Les urolithiases représentent une cause fréquente d’obstruction urétrale chez le chien mâle.

La cystotomie est la méthode traditionnellement employée pour extraire les calculs vésicaux après rétrohydropulsion. Cette technique possède cependant de nombreux inconvénients tels qu’un traumatisme tissulaire important et des risques de contamination de la cavité péritonéale par de l’urine. De plus, il a été montré que le retrait de calculs urinaires par cystotomie échoue dans 20 à 42% des cas, dans le sens où le retrait des calculs n’est pas complet.

La cystotomie mini-invasive vidéo-assistée offre de nombreux avantages par rapport la cystotomie : c’est une méthode peu invasive qui limite les traumatismes tissulaires, les risques de contamination de la cavité péritonéale sont grandement diminués, et le cystoscope a un effet grossissant et pourvue d’une lumière intense offrant une meilleure exploration de la vessie et l’urètre proximal où des calculs peuvent persister. Cette intervention permet également une récupération plus rapide du patient et des soins post-opératoires très limités.

Figures

Figure 1a: Calculs radio-opaques (cercles verts) au sein de la vessie et de l’urètre pénien avant rétrohydropulsion.

Figure 1b: L’ensemble des calculs urétraux ont été repoussés dans la vessie (cercle vert) après rétrohydropulsion. Absence d’éléments radio-opaques en regard de l’urètre pénien (flèche jaune).

Figure 2a: Incision cutanée ante-pubienne réduite.

Figure 2b: Mini-laparotomie ante-pénienne.

Figure 2c: Identification et localisation de la vessie à l’aide du cystoscope.

Figure 2d: Extériorisation du pôle crânial de la vessie.

Figure 2e: Mise en place de fils de tension sur la paroi vésicale et réalisation d’une mini-cystotomie.

Figure 2f: Introduction du cystoscope dans la vessie.

Figure 2g: Identification des calculs au sein de la vessie.

Figure 2h: Introduction d’une pince de Hartmann dans la vessie.

Figure 2i: Préhension des calculs à l’aide d’une pince de Hartmann.

Figure 2j: Identification d’un calcul au sein de l’urètre proximal.

Figure 3: Plaie chirurgicale réduite avec surjet intradermique.