AUTEURS DE L’ARTICLE
Docteur vétérinaire Victor CAUDAL, dip ACVIM (SAIM) unité de médecine interne
Docteur vétérinaire Mathilde FELLOUS – (ancienne assistante), unité de médecine interne.

Présentation du cas

Una, chienne Husky femelle entière de 15 semaines, est présentée pour incontinence urinaire au goutte à goutte, jour et nuit, depuis l’adoption, qui s’améliore transitoirement sous antibiotiques. Le propriétaire rapporte également des mictions normales. Elle conserve par ailleurs un bon état général. Elle reçoit une alimentation vétérinaire pour chiot, et est correctement vaccinée et déparasitée. Elle n’a pas d’autre antécédent médical.
Lors de sa présentation, une antibiothérapie (céfalexine) est en place depuis quelques jours. Une échographie de l’appareil uro-génital a été réalisée avant sa présentation en consultation et est en faveur d’un urétérocèle et d’un uretère ectopique à gauche ; une dilatation pyélique et urétérale gauche modérée est également observée.

Son examen clinique est dans les normes et elle est vive. Elle présente un score corporel de 5/9. Sa vessie est de petite taille à la palpation abdominale. Sa vulve est souillée par de l’urine et une incontinence urinaire au goutte à goutte est observée en consultation.

Son bilan biochimique est sans anomalie (notamment créatinine dans les valeurs usuelles). Son analyse urinaire est sans anomalie significative, avec une densité urinaire de 1.050, un pH de 8, et un sédiment urinaire inactif. Une culture urinaire n’est pas réalisée du fait de l’antibiothérapie en cours et du sédiment urinaire inactif.

Diagnostic différentiel

Les causes d’incontinence urinaire chez le chien sont multiples et divisées en 2 grandes catégories : anomalies de stockage et anomalies de vidange (5). L’incontinence urinaire étant associée à une vessie de petite taille chez Una, un défaut de stockage est plus probable. Les hypothèses incluent (5) :

  • des causes non-neurologiques :
    • des anomalies congénitales : uretère(s) ectopique(s), vessie pelvienne, urètre court, fistule (urétéro-vaginale, urétro-vaginale, urétro-rectale), hypoplasie de la vessie
    • une incompétence du sphincter urétral : congénitale ou acquise (notamment après stérilisation)
    • une instabilité du detrusor : idiopathique, secondaire à une infection du tractus urinaire
  • des causes neurologiques variées : atteinte sacro-caudée, syndrome queue de cheval, dysautonomie

Dans ce contexte de jeune chienne avec une incontinence présente depuis l’adoption, une cause congénitale va être privilégiée, notamment une ectopie urétérale, éventuellement associée à des anomalies vestibulo-vaginales. Une infection du tractus urinaire pourrait également favoriser l’incontinence urinaire et/ou compliquer une anomalie congénitale.

Examens complémentaires

Un uroscanner confirme la présence d’un uretère ectopique gauche intramural avec urétérocèle au niveau du col vésical, hydrouretère et pyélectasie gauche associée. Il montre aussi une vessie de petite taille et déplacée caudalement, laissant envisager une vessie pelvienne.

Une cystoscopie est réalisée à la suite de cet examen, confirmant un uretère ectopique gauche dont l’abouchement est unique et se fait dans l’urètre, caudalement à la jonction vésico-urétrale (Figure 1). L’abouchement urétéral droit est en position intra-vésicale physiologique. L’endoscopie urinaire montre également la persistance d’un fin septum vestibulo-vaginal (Figure 2) et un urètre court.

Visualisation de l’uretère ectopique gauche par cystoscopie - OnlyVet

Figure 1 : Visualisation de l’uretère ectopique gauche par cystoscopie

Vestibule et septum vestibulo-vaginal visualisés par cystoscopie - OnlyVet

Figure 2 : Vestibule et septum vestibulo-vaginal visualisés par cystoscopie

Prise en charge

Une ablation au laser diode de l’uretère ectopique et du septum vestibulo-vaginal est réalisée sous contrôle cystoscopique. Un cathéter urétéral est tout d’abord placé dans l’abouchement urétéral ectopique afin de protéger la paroi dorsale (Figure 3A). Ensuite, la fibre laser est positionnée perpendiculairement à la paroi ventrale de l’uretère ectopique, et une découpe progressive au-dessus du cathéter urétéral est réalisée sous contrôle cystoscopique (Figure 3B). La découpe est arrêtée crânialement à l’urétérocèle (ouvert dans la vessie), dans ce cas à environ 2 cm du col vésical (Figure 3C). En fin de procédure, le trajet ectopique gauche retiré sur l’ensemble de sa longueur urétrale est inspecté et le néo-abouchement urétéral gauche est observé légèrement crânial à l’abouchement urétéral droit (Figure 3D). L’abouchement urétéral droit est visualisé en position satisfaisante. Les deux jets urétéraux sont normaux.

Urètre ectopique

A

Urètre ectopique 2

B

Urètre ectopique 3

C

Urètre ectopique 4

D

Figure 3 : Ablation au laser diode de l’uretère ectopique gauche (A : placement du cathéter urétéral ; B : ablation de la membrane urétérale au laser ; C : néo-abouchement urétéral gauche en regard de l’urétérocèle ; D : abouchements urétéraux intra-vésicaux)

La procédure s’est déroulée sans complications. Un contrôle échographique 24 heures après l’intervention ne montre pas d’aggravation de la pyélectasie gauche préexistante. Lors de l’hospitalisation, aucun signe d’incontinence urinaire n’est observé. Una est sortie d’hospitalisation le lendemain de la procédure laser, avec un traitement antibiotique (céfalexine) et anti-inflammatoire non stéroïdien (méloxicam) pendant 5 jours. Le contrôle à 2 puis 6 semaines ne montre pas d’infection urinaire, d’aggravation de la dilatation urétérale ou de la dilatation pyélique. Una ne présente plus d’incontinence urinaire.

Discussion

Un uretère ectopique désigne tout uretère qui ne s’abouche pas dans le trigone de la vessie. Il résulte d’une malformation embryologique des canaux mésonéphriques et métanéphriques et d’une incorporation anormale dans le sinus urogénital (1). Ils peuvent être intramuraux (trajet au sein des parois vésicale et urétrale) ou extramuraux (trajet extérieur à la paroi vésicale et urétrale) ; les uretères intramuraux sont le plus souvent identifiés (64 % à 95 % des cas). La présence d’un ou deux uretère(s) ectopique(s) se traduit par une incontinence urinaire par défaut de stockage (= vessie de petite taille) d’apparition juvénile le plus souvent (dès la naissance ou le sevrage chez les femelles, souvent plus tardivement chez les mâles). Cette affection est plus fréquemment diagnostiquée chez les femelles. Les chiens mâles sont le plus souvent présentés pour hydro-uretère et/ou hydronéphrose (85 à 90% des cas) plutôt que pour incontinence urinaire, du fait de leur urètre long qui limite les symptômes d’incontinence (2). Les animaux présentent par ailleurs des mictions normales.

Des prédispositions raciales étant rapportées (Golden Retriever, Labrador Retriever, Husky, etc), une base génétique est suspectée mais non prouvée (6). Il est conseillé de ne pas faire reproduire les chiens atteints.

Les méthodes diagnostiques principales incluent l’échographie, le scanner et la cystoscopie (6), avec leurs avantages et leurs inconvénients (Tableau 1).

Tableau 1 : Avantages et inconvénients des méthodes diagnostiques des uretères ectopiques

Un uretère ectopique est souvent associé à d’autres malformations de l’appareil uro-génital. La persistance d’un septum vestibulo-vaginal est rapportée chez 50 à 90% des chiennes présentant un uretère ectopique. Des anomalies fonctionnelles sont aussi rapportées, notamment une incompétence du sphincter urétral (jusqu’à 90% des cas) (2).

Les chiens avec un historique d’uretère ectopique semblent plus à risque de développer des infections urinaires récurrentes, décrites chez plus de 80% des chiennes avant et chez 35% d’entre elles après correction. Une infection est à rechercher et traiter avant correction d’un uretère ectopique (2).

La correction chirurgicale constitue la prise en charge la plus fréquemment réalisée ; c’est également la seule prise en charge possible pour un uretère ectopique extramural. Alternativement, l’ablation au laser sous contrôle cystoscopique peut être réalisée lors de la procédure diagnostique, si l’uretère ectopique est intramural (1, 2, 3, 4, 5, 6). Une fluoroscopie est idéalement requise, mais la procédure peut être réalisée sans fluoroscopie sous certaines conditions.

L’ablation par laser consiste à découper le tissu qui forme l’aspect ventral de la paroi de l’uretère afin que son orifice distal soit déplacé dans le trigone vésical, en position physiologique (2). Cette technique présente les avantages d’être moins invasive qu’une approche chirurgicale (sortie dans les 24h suivant l’intervention, pas d’effraction de la cavité abdominale, récupération post-procédure très rapide) et de permettre d’évaluer le vagin, l’urètre et le vestibule. Cette évaluation est essentielle puisque les uretères ectopiques sont associés chez de nombreux chiens à d’autres anomalies congénitales qui peuvent contribuer à l’incontinence urinaire (vessie pelvienne, urètre court, double vagin, septum vestibulo-vaginal, etc) et peuvent parfois être corrigées durant la même procédure.

La fréquence des complications après ablation au laser est faible si l’opérateur est expérimenté. Elles incluent principalement une réaction proliférative retardée au nouveau site d’abouchement pouvant conduire à une obstruction urétérale (environ 3% des cas) ou une perforation urétrale (2).

Un suivi est nécessaire dans les mois qui suivent l’ablation au laser. Une échographie est généralement recommandée 6 semaines après ablation afin de s’assurer de l’absence de sténose du néo-abouchement. Une ou plusieurs cultures urinaires (selon le contexte et les signes cliniques) sont également recommandées afin de s’assurer de l’absence d’infection urinaire résiduelle ou récurrente.

Si une incompétence sphinctérienne est associée à l’uretère ectopique, les signes d’incontinence urinaire peuvent s’améliorer sans disparaître suite à la correction chirurgicale ou par laser. Dans ce cas, un traitement médical est initialement recommandé (a-agoniste et/ou estriol). En cas d’échec du traitement médical, l’injection de collagène dans les parois urétrales ou la pose d’un sphincter urétral artificiel sont à considérer (6).

Selon les études, le taux de résolution de l’incontinence urinaire après correction chirurgicale ou laser est relativement similaire. Il se situe entre 25% et 70%, et augmente jusqu’à 80% environ avec un traitement d’appoint (1, 2, 3).

Références

  1. Hooi KS, Vachon C, Martel DV, Dunn M. Retrospective evaluation of cystoscopic‐guided laser ablation of intramural ectopic ureters in female dogs. J Vet Intern Med. 2022;36(1):156-163.
  2. Berent A. (2015). Cystoscopic guided ablation of ectopic ureters. In:  A Berent and C Weisse ed. Veterinary Image-Guided Interventions. Wiley-Blackwell.
  3. Berent, A. C., Weisse, C., Mayhew, P. D., Todd, K., Wright, M., & Bagley, D. (2012). Evaluation of cystoscopic-guided laser ablation of intramural ectopic ureters in female dogs. Journal of the American Veterinary Medical Association240(6), 716–725.
  4. Segev G. (2011). Diseases of the ureter. In: J Bartges and DJ Polzin ed. Nephrology and Urology of Small Animals. Wiley-Blackwell.
  5. Kendall, A., Byron, J. K., Westropp, J. L., Coates, J. R., Vaden, S., Adin, C., Oetelaar, G., Bartges, J. W., Foster, J. D., Adams, L. G., Olby, N., & Berent, A. (2024). ACVIM consensus statement on diagnosis and management of urinary incontinence in dogs. Journal of veterinary internal medicine. Advance online publication.
  6. Owen L. (2024). Congenital lower urinary tract disorders. In: Côté, E., Ettinger, S.J., Feldman, E. C. ed.Textbook of veterinary internal medicine Ninth edition.